Études et inventaires de terrain

Un Week-end naturaliste et civique au cœur de la Baie de Somme

Publié le 11 mars 2021 par Service Civique

Située sur le littoral picard, la Baie de Somme est parfois qualifiée comme « la plus belle baie au monde » par de nombreux amoureux de la nature. Cet estuaire sablonneux, où se jettent les eaux de la Somme après un voyage de 245 km à travers la région picarde, abrite en effet une richesse faunistique et floristique hors du commun. Cette biodiversité est toutefois vulnérable face à certaines activités présentes sur le site telles que le tourisme de masse générant du dérangement. De ce fait, cela augmente l’intérêt d’étudier celle-ci afin de la protéger efficacement et ainsi de minimiser les impacts néfastes des activités humaines et permettre une meilleure cohabitation entre la Nature et l’Homme. Nous sommes actuellement six volontaires en service civique au sein de l’association Picardie Nature et quatre d’entre nous sont partis trois jours à la découverte de la faune qui fait la fierté de ces lieux. Au programme du week-end : prospection de potentiels sites d’hibernation de chauves-souris, observation ornithologique et surveillance des célèbres phoques de la baie. A travers cet article, nous vous racontons notre aventure et nos découvertes au cœur de cet écrin de nature.

A la recherche de chauve-souris dans les Blockhaus du littoral picard.

La première journée de notre périple fut consacrée principalement à la recherche de sites d’hibernation de chauves-souris dans les blockhaus présents sur le littoral picard. La Picardie ne compte pas moins d’une vingtaine d’espèces de chauve-souris. Ces animaux insectivores passent une partie de l’année à hiberner pour pallier au manque de nourriture causé par la froide saison. Repérer les sites d’hibernation est primordial pour protéger ces chauves-souris des dérangements qui leurs seraient fatals ainsi que pour avoir une idée de l’effectif de ces animaux dans notre région. Pour leur retraite hivernale, les chauves-souris recherchent des cavités telles que des grottes, des fissures dans les affleurements rocheux ou des caves. Il apparaît également que les blockhaus abandonnés de la Seconde Guerre Mondiale leurs conviennent, preuve que la faune sait s’adapter et tire avantage des infrastructures humaines. Nous avons donc passé la journée à visiter les vestiges de cet ancien temps, dont certains se sont avérés difficiles d’accès. Au total, trois individus ont été retrouvés : un Murin à moustaches (Myotis sp), un Murin à oreilles échancrées (Myotis emarginatus) et un Oreillard roux (Plecotus auritus). Après cette première journée sur le littoral, nous avons découvert notre gîte pour le week-end où nous avons partagé une fondue qui nous a réchauffé à la fois le corps et l’esprit.

Alix, Océane, Aloïs et Nicolas, l’équipe de volontaires en service civique partie en expédition © Nicolas Thaissart

Un gros bébé à surveiller… sous la neige !

Les deux jours suivants ont été l’occasion pour nous de participer à la surveillance hivernale des Phoques gris. La Baie de Somme est réputée pour servir de lieu de repos à la plus importante colonie de phoques de France. Parmi eux, on distingue deux espèces : le Phoque veau-marin (Phoca vitulina vitulina), la plus petite espèce des deux et également la plus commune en baie, ainsi que le Phoque gris (Halichoerus grypus), plus de deux fois plus lourd que son cousin. Ce sont ces derniers qui vont principalement nous intéresser lors de ce week-end. La raison en est simple : contrairement au Phoque veau-marin, cette espèce met bas en hiver de quelques petits nommés "blanchons" en référence à leur épaisse fourrure blanche qui leur permet de supporter le froid hivernal. Ces naissances étant aussi rares que précieuses dans notre région, Picardie Nature met un point d’honneur à organiser chaque année une surveillance hivernale des blanchons et de leurs mères par la mobilisation de son réseau de bénévoles.

Surveillance hivernale en Baie de Somme © Nicolas Thaissart

Cette surveillance consiste à rester à une distance respectable du petit (plus de 300 mètres) et de prévenir les éventuels dérangements causés par les activités humaines, que ce soit par les promeneurs à pied ignorant l’impact de leur présence à proximité du blanchon sur l’estran ou encore les cavaliers venus profiter des grandes étendues de sable découvertes à marée basse. C’est donc à la fois un travail de protection des animaux ainsi qu’un travail de sensibilisation du public : s’il y a dérangement du couple mère-petit pendant les trois semaines durant lesquelles la mère allaite, les conséquences pour son blanchon peuvent être dévastatrices. Si la mère prend peur et s’enfuit, le petit n’aura pas le lait indispensable à sa croissance, augmentant inévitablement ses risques de mortalité. Le protocole mis en place cette année par Picardie Nature et ses bénévoles est une solution qui a su montrer son efficacité. Un premier blanchon avait déjà été surveillé plus tôt dans la saison et la petite femelle née peu avant Noël a été sevrée sans aucun souci en raison de la présence active des participants à la surveillance hivernale qui sécurisaient la zone.

Le jour précédant notre arrivée, les bénévoles de l’association ont eu l’immense plaisir de découvrir un second blanchon en plein cœur de la réserve naturelle. Il s’agissait d’un petit mâle qui semblait être né quelques jours auparavant. C’est donc chaudement couverts pour supporter le froid et les intempéries et lourdement équipés que nous sommes partis à la rencontre de ce petit phoque. Sur la route, nous rencontrons un groupe de quatre Cigognes blanches posées dans un pré, fraîchement revenues de migration.

Tadornes de Belon (Tadorna tadorna) observés en Baie © Aloïs Rouillère

Après plus d’une heure de marche sur l’estran, ponctuée par quelques observations ornithologiques sur les étangs du Marquenterre, nous arrivons sur le site du suivi où nous passons le reste de la journée. Une fois le matériel optique installé, nous balayons les bancs de sable devant nous à la recherche du couple mère-petit. Plusieurs groupes de phoques gris adultes sont déjà présents. Nous continuons la recherche et puis, à 600 mètres de nous, nous les apercevons enfin : la mère et son petit dorment paisiblement au sommet d’un banc de sable. Un des intérêts de la surveillance hivernale est de pouvoir étudier le comportement mère-petit. En effet, nous avons la chance d’assister à ce moment unique où un phoque réalise l’apprentissage de son blanchon pour le préparer à l’âge adulte. Le temps passe et la femelle et son blanchon ne rompent leur sommeil que pour regarder de temps en temps autour d’eux si aucun danger ne guette. Entre temps, Christine et François, deux bénévoles passionnés de la Baie et de ses phoques, nous rejoignent. Riches de leurs expériences, nous avons le plaisir de partager avec eux cet instant durant lequel ils nous apprennent de nombreuses choses sur ces fascinants animaux. La surveillance se poursuit jusqu’en début d’après-midi où la neige commence à tomber puis à tenir sur le banc de sable où nous nous situons. La réduction de la visibilité occasionnée par les intempéries rendent notre présence en baie dangereuse et nous force alors à regagner la voiture trempés et gelés après la marche de retour.

Dernier jour en baie.

Observation d’oiseaux au large © Alix Tesson

La dernière matinée de notre expédition a été dédiée à l’observation ornithologique. Nous nous sommes rendus à la réserve du Hâble d’Ault, au sud de la baie, dans l’optique d’y trouver quelques espèces d’oiseaux d’eau intéressantes. Sur place, nous avons pu observer des Fuligules milouin (Aythya ferina), Fuligules morillon (Aythya fuligula), Canards souchet (Anas clypeata) et Sarcelles d’hiver (Anas crecca) qui semblent nettement mieux supporter le vent glacial provenant de la mer que notre petite équipe d’ornithologues. Au large, des Fous de Bassan (Morus bassanus) nous font une spectaculaire démonstration de plongée en mer et sur des plaines inondées, un petit groupe de Hérons garde-bœufs (Bubulcus ibis) recherchent leur prochain repas. Vers la fin de la matinée, nous nous rendons en baie afin de relever l’équipe du matin pour la surveillance du blanchon. En route, les Cigognes, vues la veille, sont de nouveau observées au même endroit.

Phoques gris (Halichoerus grypus) sur un reposoir © Aloïs Rouillère

Une fois arrivés sur le Banc de l’Îlette, nous retrouvons l’équipe du matin mais aucune trace du couple mère-petit, sans doute en contre-bas d’un banc de sable. Nous décidons donc de nous séparer en plusieurs groupes afin de les rechercher sur l’estran découvert par la marée. Nous les trouvons enfin, la mère et son blanchon paisiblement assoupis près d’un chenal. Après une intervention auprès de pêcheurs à pied se dirigeant vers nos deux phoques, nous installons le matériel optique pour commencer l’observation. Au bout d’un moment, la femelle et son jeune se réveillent et nous avons alors la chance d’assister à une séance d’allaitement du blanchon qui avait l’air de se régaler.

Nourrissage du blanchon par sa mère (photo prise avec un matériel adapté pour ne pas déranger les animaux) © Aloïs Rouillère


Durant l’après-midi, un comptage des phoques gris présents est également réalisé par l’une de nos équipes. Ces comptages sont parfois compliqués : en effet, les phoques gris ont souvent tendance à être très proches les uns des autres sur les bancs de sable, voire parfois les uns sur les autres. Les comptages sont réalisés toutes les demi-heures en fonction de l’horaire de marée basse. Au maximum de l’après-midi, pas moins de 315 individus ont été dénombrés. Après le nourrissage du blanchon, mère et petit reprennent leur activité préférée : la sieste. En fin de journée, le ciel dégagé nous permet d’assister à un splendide coucher de Soleil sur la Baie. Nous repartons donc sous les feux du Soleil couchant, fatigués par ce weekend naturaliste mais la tête et l’appareil photo remplis de superbes images.

© Nicolas Thaissart

Pour conclure ce récit, ces trois jours sur la côte ont été pour nous l’occasion d’en apprendre beaucoup sur différents groupes d’animaux, qu’il s’agisse des oiseaux dont de nombreuses espèces ont pu être observées sur le site, les chauves-souris qui hibernent dans notre région, ou encore la biologie du Phoque gris et les relations qui peuvent exister entre une mère et son petit. En plus d’être conviviale, cette expédition aura été très formatrice et aura permis de renforcer les liens entre notre groupe de volontaires, ce qui sera bénéfique pour mener à bien nos missions respectives. Nous remercions l’ensemble des bénévoles présents sur le terrain depuis fin décembre pour la protection des deux naissances de Phoques gris de cette année qui ont abouti au sevrage des deux jeunes blanchons, et un grand merci à l’association Picardie Nature de nous avoir permis de vivre cette incroyable expérience qui restera dans nos mémoires.

L’équipe de volontaires en service civique : Alix, Aloïs, Océane et Nicolas


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