Arrêté préfectoral interdisant le jet ski en baie de Somme et d’Authie : communiqué de Picardie Nature

Publié le 5 février 2009

Deux avocats amiénois, Gauthier et Xavier d’Hellencourt, pratiquants de jet ski, viennent d’annoncer qu’ils ont déposé un recours visant à faire annuler un arrêté du Préfet Maritime en date du 16 mars 2004, réglementant la circulation du jet ski sur la côte picarde. L’association régionale de protection de l’environnement, PICARDIE NATURE, très investie à l’époque dans ce dossier, réagit vivement contre ce qu’elle considère représenter, une fois de plus, une atteinte au patrimoine naturel et à l’intérêt général.

Pour mieux comprendre les enjeux, il est nécessaire de rappeler dans quel contexte le Préfet Maritime a pris cet arrêté et ce que représentent les espaces que constituent la Baie de Somme et la Baie d’Authie.

Le contexte de l’interdiction du jet ski en Baie de Somme

La pratique du jet ski dans les deux estuaires s’est développée rapidement il y a une dizaine d’années. Devant les perturbations engendrées (dérangement de la faune, gêne pour le tourisme), les élus du Syndicat mixte d’aménagement de la côte picarde (SMACOPI) votaient une motion en mai 2002 demandant l’interdiction du jet ski sur la côte picarde. En juin 2002, le conseil municipal de ST VALERY SUR SOMME prenait une délibération demandant l’interdiction du jet ski dans l’estuaire de la Somme. Au cours de l’été 2002, PICARDIE NATURE mobilisait 5 autres associations de la Somme et du Pas de Calais pour intervenir auprès de la Direction des Affaires Maritimes de Boulogne sur mer et pour faire circuler une pétition contre le jet ski sur la côte picarde. En seulement 8 mois, ces associations recueillaient 5000 signatures.

L’Administration des Affaires Maritimes, compétente en matière de sécurité et de protection de l’environnement marin, prenait en charge le dossier et le 16 mars 2004 le Préfet Maritime publiait cet arrêté protégeant pour la première fois en France, à notre connaissance, la plus vaste zone estuarienne des dérangements provoqués par les jets ski.

La légalité de cet arrêté attaqué par la Fédération Française de Motonautisme a été confirmée en dernière instance par la Cour Administrative d’Appel de Nantes en 2006. Les juges reconnaissant le bien fondé d’une mesure visant à éviter toute présence de ces engins dans les estuaires et en particulier dans la réserve naturelle de Baie de Somme. Pour autant on ne peut parler d’interdiction générale de circulation puisque les deux clubs de jet ski de Quend Plage et de Berck ont maintenu leur activité commerciale de location de jet-ski et la pratique se déroule toujours actuellement au large de ces deux communes.

La Baie de Somme, patrimoine naturel remarquable et site d’importance internationale

La Baie de Somme, qui semble n’apparaître pour certains qu’un terrain de jeu, est, en réalité un espace remarquable qui a pu être préservé grâce à des mesures prises depuis plus de 40 ans. Les positions politiques, les décisions réglementaires et les travaux des scientifiques convergent et consacrent la côte picarde en général et la Baie de Somme en particulier comme un ensemble d’espaces remarquables, façonnés par l’Homme mais encore sauvages et dont la valeur patrimoniale, biologique et paysagère dépasse les frontières de la région.

En s’opposant à des projets d’urbanisation du littoral et au développement d’activités réellement ou potentiellement nocives à ce patrimoine, des hommes politiques et des personnalités telles que Max Lejeune, Robert Mallet et Jérôme Bignon ces dernières années se sont attachés à permettre un développement économique et touristique en lien avec une nature sauvage, parfois à contre courant de ce qui se faisait sur d’autres rivages français.

La richesse avifaunistique de la Baie de Somme est connue depuis deux siècles. Dix ans après les premières mesures réglementaires interdisant la chasse dans la partie Nord de l’estuaire (l’actuelle réserve naturelle), des scientifiques européens démontrent que cet espace est devenu un site d’importance internationale pour au moins 7 espèces migratrices et hivernantes (Oie des moissons, Tadorne de Belon, Canard pilet, Huitrier-pie, Chevalier gambette, Pluvier argenté, Grand Gravelot, Gravelot à collier interrompu, Bécasseau maubèche). C’est-à-dire qu’il accueille, à un moment donné, 1% ou plus de l’ensemble des effectifs européens pour une espèce donnée.

Autrement dit, si cet espace n’offre plus les conditions de tranquillité et d’alimentation pour ces espèces, celles-ci en souffriront et verront leurs effectifs baisser.

Au milieu du XIXème siècle, la Baie de Somme abritait encore une colonie de phoques veaux marins dépassant les 200 individus. Après avoir été chassés intensivement, il ne subsistera, de 1900 à 1960 que quelques individus. A partir de 1988, Picardie Nature met en place des actions de suivi et de soutien du petit groupe d’animaux régulièrement observés. Progressivement, les effectifs sont remontés et, aujourd’hui, la colonie de phoques est devenue la plus importante de France (60% des effectifs nationaux), conférant à la Baie de Somme le statut de site d’intérêt national pour cette espèce.

Une réglementation adaptée aux enjeux patrimoniaux et à l’émergence de certaines pratiques

A partir de 1968, l’Etat français a voulu se doter d’un réseau de sites maritimes exempts de toute activité de chasse aux oiseaux migrateurs d’Europe de l’Ouest, afin de leur offrir les haltes migratoires indispensables durant leur migration et leur hivernage. Plusieurs espèces voyaient en effet leurs effectifs chuter de façon inquiétante.
En 1973 puis 1975, deux arrêtés ministériels ont institué les réserves maritimes de chasse du Nord de la Baie de Somme et de la Baie d’Authie Sud. Grâce à ces dispositions, les effectifs de plusieurs espèces ont progressivement remonté, créant par la même des conditions plus favorables à la création du Parc Ornithologique du Marquenterre, par la famille Jeanson, propriétaire de vastes surfaces contiguës à la réserve maritime de chasse.

Dans les années 80, l’apparition des 4X4 et la mode de la moto verte ont incité l’Etat à prendre un arrêté interdisant la circulation des véhicules à moteur sur le Domaine Public Maritime et dans les dunes. Outre un motif de sécurité, il s’agissait là aussi de préserver des espaces et d’assurer la tranquillité de l’avifaune menacée par les passages de motos et de 4X4 depuis l’embouchure de la Maye jusqu’à Quend-Plage.

En 1994, le Premier ministre, signe un décret portant création de la réserve naturelle de Baie de Somme, incluant le Domaine Public Maritime (dans les limites de l’ancienne réserve maritime de chasse) et le Parc du Marquenterre. Cette décision montre une fois encore la volonté politique de préserver le site et la faune qui y séjourne. Parallèlement une procédure de classement du massif dunaire du Marquenterre est lancée. Elle aboutit en 2000.

Vient ensuite en 2004, la réglementation de la circulation des jets ski sur la côte picarde. Et depuis deux ans, un projet d’arrêté interdisant la pratique des engins à voile haute dans la réserve naturelle est en préparation.

La nature comme socle d’une activité touristique

Dans les années 90, la Chambre de Commerce d’Abbeville avait mené une enquête auprès des touristes fréquentant la côte picarde. Il ressortait que ceux-ci venaient majoritairement pour les espaces naturels, la beauté des paysages et la tranquillité.

Ces dernières années, plusieurs structures ont développé des activités en lien direct avec l’avifaune et les phoques (sans compter le Parc du Marquenterre !) : Promenade en Baie, Rando Nature, Picardie Nature, le CPIE vallée de Somme, le Festival de l’Oiseau, pour ne citer que les plus connues, encadrent chaque année des groupes de scolaires et de touristes, totalisant certainement quelques milliers de visiteurs. Des emplois, permanents et saisonniers ont été créés et leur maintien dépend étroitement des conditions offertes à la faune dans cet espace.

Une atteinte à la liberté de circuler à relativiser

En terme de linéaire côtier, il convient de préciser qu’il demeure largement assez d’espace pour les pratiquants de jet ski, de kite surf et autres engins à voile haute, en dehors de la réserve naturelle et plus largement de la Baie de Somme.

Ce qui apparaît pour certains comme une accumulation d’interdictions, dont fait partie l’arrêté attaqué aujourd’hui, est en fait, à nos yeux, un ensemble de mesures cohérentes et adaptées aux enjeux patrimoniaux de cette partie de la côte picarde. Les phoques, les oiseaux nicheurs, migrateurs et hivernants constituent une indéniable valeur ajoutée à la côte picarde. Leur présence dépend étroitement du maintien des conditions d’accueil dans la partie nord de l’estuaire.

Dans un contexte de diminution inquiétante de la biodiversité en France, en particulier dans les zones humides, Picardie Nature déplore les remises en causes incessantes de dispositions visant à préserver la nature et au cours desquelles l’intérêt personnel semble vouloir prendre le pas sur l’intérêt général.

Patrick THIERY - Président de Picardie Nature

Contact :

Patrick THIERY : 06 19 07 94 02

Laëtitia DUPUIS : 06 08 83 44 99


Partager : http://l.picnat.fr/NzgyMTAw

Les plus récents

Les plus lus

Picardie Nature

Association régionale de protection de la Nature et de l'Environnement
membre de France Nature Environnement, agréée par les ministères de l'Écologie et de l'Éducation Nationale
Picardie Nature - 233 rue Eloi Morel - 80000 AMIENS - Tél. 03 62 72 22 50