Pesticides

Zones vulnérables nitrates : ça bouge en Artois Picardie

Publié le 22 novembre 2016 par Marie Berly

par Raoul Leturcq
agriculteur bio et administrateur de Picardie Nature

Le 30 septembre dernier s’est tenue le première réunion de la COREAMR (Commission Régionale de l’Économie agricole et du Monde Rural) de la nouvelle région, présidée pour l’occasion par le Préfet des Hauts-de-France, Michel Lalande. J’y participais en tant que représentant de Picardie Nature.

Parmi les sujets inscrits à l’ordre du jour figurait le projet d’arrêté préfectoral instituant la liste des communes placées en zone vulnérable nitrates. Cette disposition réglementaire est une application de la directive européenne « Nitrate » visant à améliorer la qualité des eaux de surface (ruisseaux, rivières, zones humides …) et des nappes aquifères, du bassin Artois-Picardie pour ce qui nous concerne (la Picardie est également concernée par le bassin Seine-Normandie).

Le projet d’arrêté préfectoral de délimitation des zones vulnérables nitrate a été présenté par le représentant de la Draaf . Il s’appuie sur l’évolution des analyses de l’eau sur des points de référence. Le moins que l’on puisse dire est que la situation ne s’arrange pas, au point d’obliger les autorités à allonger la liste des communes concernées, en comparaison de la carte de 2017 et celle de 2007. En clair la quasi totalité de la surface du bassin Artois-Picardie, c’est à dire les départements du Nord, du Pas de Calais, de la Somme et une partie de l’Aisne est placée en zone vulnérable nitrate (voir cartes).

Comme on pouvait s’y attendre au cours de la réunion, les représentants du modèle agricole dominant ont protesté contre ce projet d’arrêté préfectoral, arguant du fait que cette disposition contraignante allait impacter négativement l’élevage déjà en grande difficulté.Nous ne nions pas leurs difficultés dû très souvent au choix d’un modèle hors sol de taille toujours plus importante qui génère du coup ces problèmes ainsi que des cours mondialisés qui ne rémunère pas le producteur alors qu’il faudrait revenir à de la production de qualité,à l’herbe bien valorisé.Il n’empêche que la réalité nous rattrape, pour garder l’eau au dessous des normes des mélanges entre captages sont effectuées,des captages sont fermés et enfin des unités de dénitrification sont soit à l’étude soit réalisées dans notre région .Il est vrai que les éleveurs vont devoir disposer ou s’équiper de cuves de stockage du lisier d’un volume suffisant pour pouvoir étaler la période d’épandage afin de limiter l’infiltration des effluents dans les sols.I faut rappeler que dans notre région, l’excès d’azote provient très majoritairement des grandes cultures céréalières.

Sur ce point on perçoit bien que le modèle agricole dominant a atteint ses limites y compris dans l’utilisation combiné des engrais et des pesticides soit disant assurant une production en quantité et qualité importante hors cette année nous constatons une production d’environ moins 40% des volumes de qualité médiocre. La course au rendement reste prédominante et le coût des engrais azotés, dérivés du pétrole (grand pourvoyeur de gaz à effet de serre par ailleurs) n’a pas augmenté suffisamment pour faire changer les pratiques ni d’ailleurs les politiques publiques exemple Ecophyto, l’exemple du Danemark nous serait très utile. Pour s’en convaincre il suffit d’observer à l’automne les parcelles couvertes par les CIPAN (Cultures Intermédiaires Piège A Nitrates). Ces cultures sont obligatoires en zone vulnérable nitrate. Parmi les variétés de plantes connues pour absorber l’excès d’azote contenu dans les sols, la moutarde est souvent utilisée. Pour celui qui a un œil averti, de nombreux champs couverts de moutarde, en ce moment, montrent des plants de grande taille, « booster » par l’azote en excès.

2016 année noire pour les rendements agricoles ! Oui, pour toutes les cultures, principalement par un manque d’ensoleillement au printemps. Mais aussi année noire pour le transfert de l’azote vers les nappes. En effet, du fait de pertes de revenus importantes, les céréaliers ont obtenu des dérogations à l’obligation de semer des CIPAN cette année ce qui va provoquer des transferts d’azote dans l’eau très importants car les 40 quintaux manquants à la récolte qui n’ont donc pas utilisés les apports effectués vont s’ajouter soit une centaine d’unités supplémentaires .Il faudra être très vigilant sur ce point afin d’en tirer toutes les conclusions !

Au moment du vote, les représentants de l’Administration, de l’Agence de l’Eau et les représentants des associations de protection de la nature et de l’agriculture biologique ont soutenu le projet d’arrêté préfectoral r
. Résultat : 14 voix pour, 3 abstentions et 13 voix contre (principalement les représentants du monde agricole, des départements et de la région).

Il reste au Préfet de confirmer l’avis de la majorité des membres de la COREAMR, en publiant cet arrêté, d’intérêt général. Il n’attaquera pas le problème à la racine mais, au moins, mettra fin à la curieuse zone d’exclusion d’une grande partie du département de la Somme pendant de nombreuses années.


En savoir plus

Qu’est-ce qu’une Zone Vulnérable Nitrate ?

Une zone vulnérable est une partie du territoire où la pollution des eaux par le rejet direct ou indirect de nitrates d’origine agricole et d’autres composés azotés susceptibles de se transformer en nitrates, menace à court terme la qualité des milieux aquatiques et plus particulièrement l’alimentation en eau potable.

Sont désignées comme zones vulnérables les zones où 

  • les eaux douces superficielles et souterraines, notamment celles destinées à l’alimentation en eau potable, ont ou risquent d’avoir une teneur en nitrates supérieure à 50 mg/l ;
  • les eaux des estuaires, les eaux côtières ou marines et les eaux douces superficielles qui ont subi ou montrent une tendance à l’eutrophisation susceptible d’être combattue de manière efficace par une réduction des apports en azote.

Dans ces zones, les agriculteurs doivent respecter un programme d’action qui comporte des prescriptions à la gestion de la fertilisation azotée et de l’interculture ( C.I.P.A.N.) par zone vulnérable que doivent respecter l’ensemble des agriculteurs de la zone. Il est construit en concertation avec tous les acteurs concernés, sur la base d’un diagnostic local.

Cartes à mettre :
Carte 2016

Carte 2012 :
http://www.artois-picardie.eaufrance.fr/IMG/pdf/121107_carte5_zone_vulnerable_rectifiee.pdf


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