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Prospection et suivi des ouvrages d’art et aqueducs dans le sud de l’Aisne, hiver 2023

Publié le 28 avril 2023 par Coline Noyau

Contexte

De novembre à mars, les chauves-souris entrent en phase de léthargie (sommeil profond) en diminuant leur chaleur corporelle et leurs battements de cœur. Cette adaptation permet aux individus de résister au froid et au manque de nourriture. Le gîte d’hiver doit respecter certains paramètres essentiels pour maintenir cette phase de léthargie :
- Température douce et constante ;
- Hygrométrie élevée et constante ;
- Présence d’interstices, de fissures, de creux, d’écorces décollées assez profonds et le moins exposés à la lumière possible ;
- Tranquillité, aucun dérangement.
La majorité des espèces utilisent les cavités souterraines comme les grottes, les anciennes carrières ou encore les ouvrages tels que les ponts ou les tunnels, notamment anciens. En effet, ceux-ci présentent généralement des traces de dégradations dues au temps qui passe et sont souvent faits en pierre. On retrouve ainsi beaucoup de disjointoiments entre les dalles et les pierres, favorables à la présence de chauves-souris. Les espèces forestières vont plutôt privilégier les creux des arbres, des pics ou encore les écorces d’arbres décollées.

Le département de l’Aisne présente une grande diversité d’habitats. La traversée de plusieurs rivières telles que la Marne, l’Aisne ou encore l’Oise offre à la région beaucoup de vallées et de plateaux. La partie nord du département comprend plusieurs cavités souterraines telles que des carrières et quelques habitats troglodytes. Le sud en revanche est beaucoup moins riche en cavités.
C’est la raison pour laquelle un groupe de bénévoles de Picardie Nature, s’est lancé il y a un peu plus de 5 ans le défi de prospecter et d’inventorier tous les ouvrages d’art et aqueducs situés sur les 108 communes du sud de l’Aisne. L’expérience a commencé lors d’une prospection de pont où la présence de chauves-souris avait été relevée, motivant ainsi les naturalistes à poursuivre les efforts de recherche sur les autres ouvrages de la région.

Depuis ce temps, ces bénévoles inventorient les petits sites d’hibernation des chauves-souris du sud de l’Aisne chaque hiver. Aujourd’hui, ce sont environ 60 ouvrages d’art qui sont suivis chaque année. Les données récoltées nous renseignent sur les différentes espèces fréquentant ces sites et les effectifs, et nous permettront par la suite d’établir des tendances de population et de comprendre comment ces petites bêtes utilisent ces lieux.

Qu’est ce qu’un ouvrage d’art et un aqueduc ?

Les ouvrages d’art sont différents types de constructions de génie civil permettant de franchir un obstacle, d’assurer la continuité et de protéger les voies de communication routières, ferroviaires et fluviales.

Ils englobent notamment les ponts, les tunnels, les viaducs, les buses, les barrages ou encore les écluses.

Nous distinguons les ouvrages d’art des aqueducs par la taille de l’ouverture : en dessous de 2 mètres de large, on parle d’aqueduc. Les aqueducs permettent généralement l’écoulement de l’eau (pluviale, d’un cours d’eau, etc.).

Prospection des ouvrages

Depuis 2016, les bénévoles réalisent un travail conséquent pour recenser les gîtes d’hibernation des chauves-souris de la région du sud de l’Aisne. Ce sont plus de 700 ouvrages qui ont été visités par la petite équipe. Sur ces 700 ouvrages, 61 ont déjà accueilli au moins 1 chauve-souris. Environ 150 présentent un potentiel pour les chauves-souris (il s’agit de ponts avec des fissures, interstices, drains, encorbellements pouvant accueillir des Chiroptères) et environ 550 ponts ne sont pas favorables à la présence de chauves-souris (ne présentent pas les critères cités pour les ponts classés en « potentiels »).
Les effectifs recensés peuvent aller de 1 à 20 individus suivant les ouvrages.

Cet hiver, ce sont 111 individus qui ont été comptabilisés. On retrouve ainsi 5 espèces précises et 3 groupes d’espèces : le complexe Murins à museau sombre avec 61 individus, 18 Murins de Natterer, 15 Oreillards roux, 5 Murins de Daubenton, 3 Murins non identifiés, 1 Murin de Bechstein, 1 Oreillard gris et 1 Oreillard non identifié.

Les résultats des premières années d’inventaires et de suivis des ouvrages du sud de l’Aisne ont été présentés par Valentin lors des Rencontres Chiroptères Grand Ouest de 2021. Vous pouvez retrouver son intervention ici.

On observe cette année une diminution des effectifs et des espèces par rapport à 2022. A cette période, 172 individus avaient été inventoriés pour 12 espèces. Cette diminution a notamment touché les Oreillards roux. Cette espèce préfère les sites stables et frais qui tournent autour de 2 à 9 °C. Sa période d’hibernation est plutôt courte et cette espèce est très mobile durant l’hiver, alternant entre phase d’activité et de léthargie.
Mais si on regarde les données depuis les premiers inventaires et notamment à partir de la moyenne des effectifs pour chaque hiver sur l’ensemble des ouvrages, on observe une tendance plutôt stable. Nous ne pouvons pour le moment pas affirmer qu’il s’agisse bien d’une réelle diminution étant donné que plusieurs critères influent beaucoup sur le comportement des populations. En conclusion, d’une année à l’autre, les effectifs et la diversité des espèces oscillent mais si on regarde avec plus de recul, les graphiques nous montrent une tendance globale stable.

Voici une liste de plusieurs facteurs pouvant expliquer ces fluctuations :
- alternances entre des périodes de gelée puis de redoux prolongé, incitant les individus à s’activer régulièrement ;
- réchauffement global qui réduit les périodes de froid certains hivers, comme cette année ;
- modification des conditions physiques et microclimatiques à l’échelle du pont (fermeture de certaines entrées par la végétation, bloquant ainsi la circulation de l’air et l’accessibilité pour les chauves-souris ; présence de décharges sauvages à l’entrée des ouvrages qui reproduisent ces mêmes effets, etc.) ;
- pendant les périodes de redoux, il est probable que les individus s’enfoncent plus profondément dans les anfractuosités afin de retrouver une stabilité, ce qui rend leur détection plus difficile ;
- disponibilité en gîtes dans le milieu naturel (arbres par ex) qui varie également (plus favorable certaines années et inversement) ;
- potentialité d’accueil dans les ponts variable également d’une année à l’autre (rejointoiement entre temps, travaux, etc)
- biologie des espèces.

Communication et sensibilisation

Picardie Nature a envoyé un courrier à destination de tous les maires des communes où des chauves-souris ont été découvertes. Ces courriers ont quatre objectifs principaux :
- informer les municipalités de la présence de chauves-souris sous des ouvrages situés sous des voies communales,
- les sensibiliser à la réglementation,
- proposer une rencontre afin de leur présenter les enjeux de la préservation de ces espèces et les résultats,
- les accompagner pour une prise en compte des chauves-souris en cas de nécessité de travaux sur les ouvrages concernés.
Ces démarches permettront de sensibiliser les élus et de leur proposer un accompagnement lors de leurs projets d’aménagement.

Picardie Nature remercie l’ensemble des bénévoles ayant participé à l’étude et au suivi de ces ouvrages d’art, et en particulier Valentin, Mehdi et Vivien, qui parcourent les villages du sud de l’Aisne depuis 2016 pour prospecter tous ces ouvrages !.

Bibliographie
- « Qu’est ce qu’un ouvrage d’art » - Département du Vaucluse
- RCGO 2021 : Présentation prospections et suivis hivernaux dans ouvrages d’art de l’Aisne, Valentin DOBIGNY
- « Géographie de l’Aisne » – Département de l’Aisne
- « Les chauves-souris de France, Belgique, Luxembourg et Suisse », éditions Biotope, 2009, Laurent ARTHUR et Michèle LEMAIRE
- « Les chauves-souris dans les ouvrages d’art du territoire du Pays Yon et Vie : actions de conservation, de médiation et de sensibilisation auprès des communes », mars 2013, LPO Vendée, Etienne OUVRARD


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